Le Monde: Manolo Quezon : « Il n’y a pas de fatigue démocratique aux Philippines »

Manolo Quezon : « Il n’y a pas de fatigue démocratique aux Philippines »

Le phénomène persistant des « fake news » et les six années de présidence Duterte ont ouvert la voie à l’élection de Bongbong Marcos, fils du dictateur Ferdinand Marcos, à la tête du pays, selon l’historien Manolo Quezon.

Propos recueillis par Brice Pedroletti (Manille, envoyé spécial) Publié hier à 15h00 

Un prêtre tente de discuter avec des policiers, devant la commission électorale, à Manille, le 10 mai 2022.
Un prêtre tente de discuter avec des policiers, devant la commission électorale, à Manille, le 10 mai 2022. TED ALJIBE / AFP

Auteur et historien, ancien directeur du Musée Ayala, spécialisé dans l’histoire et la culture des Philippines, Manolo Quezon analyse le retour au pouvoir du clan Marcos, avec l’élection de « Bongbong » Marcos, le 9 mai. Petit-fils du 2e président philippin, Manuel Quezon (1935-1944, sous le Commonwealth américain), il a occupé le poste de sous-secrétaire d’Etat durant le gouvernement de Benigno Aquino III (2010-2016).

« Bongbong » Marcos a été élu président le 9 mai, trente-six ans après la chute de la dictature de son père, en 1986, loin devant sa rivale, Leni Robredo. Cela révèle-t-il une forme de « fatigue démocratique » aux Philippines ?

Avec un taux de participation de 82.6 % aux élections, et de nombreux électeurs qui ont attendu des heures pour voter, dans certains cas après la fermeture des bureaux de vote, il est évident que non. Qu’elles soient considérées d’un point de vue mercantile – l’occasion de vendre son vote – ou idéaliste – comme une fonction importante de la citoyenneté –, les élections sont un moment très attendu aux Philippines. Après la tourmente des années 1980 et du début des années 2000, il n’y a eu d’alternance que par le biais d’élections.

Pour les Marcos, cela ressemble à une victoire éclatante, qui pourrait faire table rase du passé chargé de la dictature. Mais le nouveau président sera-t-il en mesure de le faire ?

La culture politique philippine est plébiscitaire et il existe une longue tradition selon laquelle les élections accordent au vainqueur une absolution politique, ou du moins un acquittement politique. Ainsi, des dirigeants accusés de collaboration avec les Japonais se sont présentés aux élections de l’après-guerre, et le président Joseph Estrada (1998-2001), après sa chute du pouvoir pour corruption, s’est fait réélire maire de Manille (2013-2019). Dans ce sens, ce n’est pas seulement l’élection, mais la taille de la majorité qui enverra un signal fort et sera interprétée comme telle.

Manolo Quezon: “There is no democratic fatigue in the Philippines”

The persistent phenomenon of “fake news” and the six years of Duterte’s presidency paved the way for the election of Bongbong Marcos, son of dictator Ferdinand Marcos, to lead the country, according to historian Manolo Quezon.

Interview by Brice Pedroletti (Manila, special correspondent) Posted yesterday at 3:00 p.m.

Author and historian, former director of the Ayala Museum, specializing in the history and culture of the Philippines, Manolo Quezon analyzes the return to power of the Marcos clan, with the election of “Bongbong” Marcos, on May 9. Grandson of the 2nd Philippine President, Manuel Quezon (1935-1944, under the American Commonwealth), he served as Under-Secretary of State during the government of Benigno Aquino III (2010-2016).

“Bongbong” Marcos was elected president on May 9, thirty-six years after the fall of his father’s dictatorship in 1986, far ahead of his rival, Leni Robredo. Does this reveal a form of “democratic fatigue” in the Philippines?

With an 82.6% turnout in the elections, and many voters who waited hours to vote, in some cases after the polls closed, obviously not. Whether seen from a mercantile point of view – an opportunity to sell your vote – or idealistic – as an important function of citizenship – elections are a highly anticipated moment in the Philippines. After the turmoil of the 1980s and early 2000s, the only acceptable transfer of power has been through elections.

For the Marcoses, this looks like a resounding victory, one that could wipe out the dictatorship’s fraught past. But will the new president be able to do so?

The Filipino political culture is a plebiscitary one and there is a long tradition that elections grant the winner political absolution, or at least political acquittal. Thus, leaders accused of collaborating with the Japanese stood in the post-war elections, and President Joseph Estrada (1998-2001), after his fall from power for corruption, was re-elected mayor of Manila ( 2013-2019). In this sense, it is not just the election, but the size of the majority that will send a strong signal and be interpreted as such.

 

Avatar
Manuel L. Quezon III.

Leave a Reply

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.